Equipe de recherche :
- Dr. Papa Fara DIALLO (Sénégal, chercheur principal)
- Dr. Komla Séméke BASSAH (Togo)
- Dr. Marielle KOLOKOSSO (Cameroun)
- M. Antoine Osé COLIKO (Bénin)
- M. Benigan Kwami Syril AGBLEGOE (Togo)
Mars 2024
Liste des sigles et abréviations
Acronyme | Signification |
AB Bénin | Association des Blogueurs du Bénin |
APAD | Association pour la Promotion de l'Action Démocratique |
BM | Banque mondiale |
CEDEAO | Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest |
CEJUS | Centre d'Études Juridiques et Sociales |
MPD | Mouvement pour la Démocratie |
NDC | National Democratic Congress |
NPP | New Patriotic Party |
ONG | Organisation non gouvernementale |
ONU | Organisation des Nations Unies |
PAICV | Parti africain pour l'indépendance du Cap-Vert |
PNUD | Programme des Nations Unies pour le Développement |
TLP-Niger | Tournons La Page Niger |
UA | Union Africaine |
Résumé exécutif
En Afrique, sur 28 pays ayant adopté un régime politique de type présidentiel, 16 sont des régimes hyper-présidentialistes, soit une proportion de 59,25%. Il en est de même pour les pays à régime semi-présidentiel dont 45,5% sont des régimes hyper-présidentialistes. Quant aux pays dirigés par les militaires, 75% d’entre eux le sont également et 100% des pays actuellement en transition ont des tendances hyper-présidentialistes. De plus, la tendance générale démontre que les pays ayant opté pour les régimes présidentiels glissent facilement dans l’hyper-présidentialisme.
L’hyper-présidentialisme est un concept politique qui se réfère à un système dans lequel le pouvoir exécutif détient une influence et un contrôle excessif sur les autres branches du gouvernement, ainsi que sur les institutions de contre-pouvoirs. Au terme des analyses, il est apparu que plusieurs éléments endogènes et exogènes peuvent être à la remorque d’un hyper-présidentialisme. En ce qui concerne l’Afrique, trois d’entre eux nous paraissent saisissants : le droit et les institutions (les aménagements constitutionnels en Afrique créent les conditions de l’hyper-présidentialisme), les traits culturels propres au continent africain (l’attachement des sociétés africaines à la personnalisation du pouvoir et le culte du Chef), et une situation d’instabilité chronique (que ce soit sécuritaire ou politique, la situation d’instabilité peut engendrer l’hyper-présidentialisme).
Cette forme corrompue ou dénaturée des régimes politiques classiques se manifeste par un déséquilibre institutionnel conduisant à une démolition des fondements de la gouvernance démocratique et une confusion des pouvoirs ; un profond déficit de légitimité des gouvernants ; une réduction de l’espace civique et le dysfonctionnement des mécanismes de contre-pouvoirs.
Pour remédier à l’hyper-présidentialisme en Afrique, les recommandations suivantes sont proposées :
- Limiter les mandats présidentiels : Consacrer, dans les constitutions de certains États africains, le principe de la limitation des mandats à deux quinquennats intangibles.
- Renforcer les institutions démocratiques : Établir et fortifier des institutions indépendantes impliquées dans les processus électoraux et de dévolution des pouvoirs pour garantir l’expression de la volonté populaire et limiter les abus du pouvoir exécutif.
- Éduquer et former : Développer le sens de responsabilité et de leadership chez les politiciens et la société civile.
- Équilibrer les pouvoirs : Renforcer le Parlement et le pouvoir judiciaire pour garantir un véritable équilibre des pouvoirs.
- Promouvoir la transparence régionale : Renforcer le rôle des organisations régionales dans la promotion des normes démocratiques.
- Encourager la Participation Citoyenne : Promouvoir la participation active des citoyens à la vie politique afin de créer un contrepoids efficace à l’hyper-présidentialisme et renforcer la démocratie à la base.
Executive summary
In Africa, of the 28 countries that have adopted a presidential-type political system, 16 are hyper-presidentialist regimes, representing a proportion of 59,25%. The same applies to countries with semi-presidential regimes, 45.5% of which are hyper-presidential. As for military-ruled countries, 75% are also hyper-presidential, and 100% of countries currently in transition have hyper-presidential tendencies. Moreover, the general trend shows that countries that have opted for presidential regimes easily fall into hyper-presidentialism.
Hyper-presidentialism is a political concept that refers to a system in which the executive branch holds excessive influence and control over the other branches of government, as well as over the institutions of checks and balances. Following analysis, it appeared that a number of endogenous and exogenous elements may be behind hyper-presidentialism. In Africa, three of these are significant: law and institutions (constitutional arrangements in Africa create the conditions for hyper-presidentialism), cultural traits specific to the African continent (the attachment of African societies to power's personalization and the devotion to the Chief), and a situation of chronic instability (whether security or political, instability can trigger hyper-presidentialism). This corrupted or denatured form of classic political regimes manifests itself in institutional imbalance, leading to a demolition of the foundations of democratic governance and a confusion of powers; a profound lack of legitimacy of those who govern; a reduction in civic space and the dysfunctioning of checks and balances system.
Key recommendations to counter hyper-presidentialism in Africa:
1. Limit Presidential Terms: Enshrine in the constitutions of African states the principle of limiting presidential terms to two fixed five-year terms.
2. Strengthen Democratic Institutions: Establish and reinforce independent institutions involved in electoral processes and the transfer of power to ensure the expression of popular will and limit executive power abuses.
3. Educate and Train: Foster a sense of responsibility and leadership among politicians and civil society.
4. Balance the Powers: Strengthen the Parliament and judiciary to ensure a true balance of powers.
5. Promote Regional Transparency: Enhance the role of regional organizations in promoting democratic norms.
6. Encourage Citizen Participation: Promote active citizen engagement in political life to create an effective counterbalance to hyper-presidentialism and strengthen grassroots democracy.
Introduction
« C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser : il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites [...] Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. ». Ces propos de Montesquieu, relatés dans son œuvre culte De l’Esprit des lois, jetaient les bases lointaines de la théorie de la séparation des pouvoirs, considérée aujourd’hui comme un impératif presque axiologique pour nos démocraties contemporaines, que l’on soit dans un régime parlementaire, présidentiel ou mixte.
De façon classique, la séparation des pouvoirs distingue trois fonctions principales au sein des différents régimes politiques : la fonction d’édiction des règles générales, qui constitue la fonction législative ; la fonction d’exécution de ces règles, qui relève de la fonction exécutive ; la fonction de règlement des litiges, qui constitue la fonction juridictionnelle. Alors que dans un régime monarchique absolue, ces trois fonctions sont le plus souvent confondues et détenues par une seule et même personne, la séparation des pouvoirs plaide pour que chacun d’entre eux soit exercé par des organes distincts, indépendants les uns des autres, tant par leur mode de désignation que par leur fonctionnement. Avec des fonctions bien déterminées, ces trois pouvoirs devraient agir soit de concert, soit de façon plus cloisonnée selon l’option d’un pays pour un régime parlementaire dit de séparation souple des pouvoirs ou pour un régime présidentiel dit de séparation rigide des pouvoirs. Sur ce dernier cas, l’exemple du régime présidentiel américain, saisi par le système des checks and balances a fait dire aux observateurs que, « le président américain exerce des pouvoirs extraordinaires, dans d’extraordinaires limites ». Afin d’éviter que chacun des pouvoirs n’abuse de ses prérogatives, le constituant américain a prévu un strict partage des compétences entre organes fédéraux et États fédérés. Il a également réparti le pouvoir législatif entre deux assemblées, donné au Président un droit de veto sur les textes législatifs, et reconnu parallèlement au Sénat la faculté de s’opposer aux nominations relevant du Président ou encore aux traités internationaux négociés par l’administration, entre autres.
La séparation des pouvoirs reste à ce jour un important instrument de gouvernance même si sa mutation contemporaine l’a réduit à une confrontation opposition/majorité avec en filigrane les effets controversés du parlementarisme rationalisé dans la plupart des systèmes ou régimes politiques.
Sur un autre registre notamment celui des droits de l’H omme, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC) se réfère également à cette théorie en disposant que "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution". La séparation des pouvoirs apparaît ainsi comme le corollaire indispensable de la protection des droits de l'homme : le contrôle mutuel qu’exercent les trois pouvoirs les uns envers les autres préserve l’individu des atteintes à ses droits fondamentaux. Dans le même temps, la séparation des pouvoirs constitue un obstacle au despotisme et à la tentation du pouvoir personnel notamment l’hyper-présidentialisme, puisqu’aucune personne ne peut concentrer entre ses mains la totalité des attributs de la souveraineté.
Autant de vertus qui amènent à s’interroger sur le devenir de la démocratie, de la bonne gouvernance et du respect des droits de l’H omme dans de nombreux pays, y compris ceux africains, au regard de la montée de l’hyper-présidentialisme qui y est observée . En effet, la montée de l'hyper-présidentialisme dans de nombreux systèmes politiques a suscité des inquiétudes quant à son impact sur la qualité des démocraties contemporaines. Cette tendance vers une concentration excessive du pouvoir exécutif au détriment des branches législative et judiciaire remet en question l’équilibre des pouvoirs, pilier fondamental des démocraties modernes, et soulève de profondes préoccupations quant à la garantie de libertés fondamentales, la participation citoyenne à la chose publique et l’engagement civique des femmes et des jeunes. Tel est l’enjeu de cette recherche qui interroge le devenir des démocraties africaines contemporaines face à la montée des régimes hyper-présidentialistes dans le continent.
Contexte et justification de la recherche
Le contexte africain dans lequel s’insère la recherche est véritablement évocateur au regard des divers changements ou manœuvres anticonstitutionnelles qui affectent la plupart des pays de l’Afrique en général et en particulier, ceux de l’Afrique de l’Ouest. Au Togo, en Côte d'Ivoire comme en République de Guinée (avant la transition conduite par le Général Mamadou Doumbouya à la suite du coup d’Etat qu’il a orchestré contre le Président Alpha CONDÉ ), les régimes en place ont successivement fait sauter les verrous de la limitation des mandats en violation des dispositions constitutionnelles. Ces modifications ont été rendues possibles grâce à une complicité passive des institutions de contre-pouvoir notamment l’Assemblée nationale et le pouvoir judiciaire, tous submergés par la posture dominante du pouvoir exécutif, incarné par le Président de la République, illustrant ainsi l’installation rampante de l’hyper-présidentialisme dans ces pays. Les réactions des sociétés civiles face à ces forfaits ont pour la plupart été réprimées par les éléments des forces de défense et de sécurité qui se révèlent, dans ces « démocratures », être le bras armé de l’hyper-présidentialisme.
Au Sénégal, l’hyper-présidentialisme est nourri par les stratégies de construction hégémonique d’une majorité au pouvoir qui ne fait aucune concession à l’opposition républicaine, à la société civile ou aux médias indépendants.
Dans d'autres pays comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger dont les situations présentent, à bien des égards, une certaine similarité, la situation politico-sécuritaire est en partie tributaire des pratiques de l’hyper-présidentialisme. La crise sécuritaire a en effet entraîné au Mali deux coups d’Etat militaires en l’espace d’un an, notamment en octobre 2020 et en mai 2021. Le Burkina Faso en a aussi connu deux et le Niger un. Ces différents coups d’Etat, largement légitimés en partie par l’urgence sécuritaire sur fond de lutte contre le terrorisme, ont profondément ébranlé les acquis démocratiques des années 90. Les militaires qui se sont emparés du pouvoir ont été saisis par le virus de l’hyper-présidentialisme et en ont ainsi profité pour dénaturer l’équilibre des pouvoirs au profit d’un exécutif fort et tentaculaire. Il en est résulté divers abus, notamment l’atteinte aux libertés fondamentales, la politisation du secteur de la justice, entre autres.
L’exemple malien est saisissant à plusieurs égards. En effet, avec l’avènement au pouvoir de l’actuel régime militaire sous la houlette du colonel Assimi Goita, non seulement le Conseil National de la Transition (CNT), détenteur du pouvoir législatif, est totalement acquis au pouvoir exécutif, mais aussi la tendance de ce dernier à caporaliser le pouvoir judiciaire a été constamment dénoncée par l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants (AMPP) et la Référence Syndicale des Magistrats (RefSyMa). Aujourd’hui, cette apparente confusion des pouvoirs a un impact négatif sur l’exercice des libertés fondamentales. Plusieurs journalistes ou blogueurs sont en prison, des hommes politiques en exil, sur fond d’une restriction excessive de l’espace civique, fréquemment dénoncé dans les rapports de l’expert indépendant des Nations Unies sur la situation au Mali, Alioune Tine. Ces différents rapports font l’objet d’un déni systématique des autorités de la transition qui, non seulement dénoncent une certaine instrumentalisation et politisation des questions des droits de l’homme à des fins inavouées mais aussi rappellent à souhait, l’enracinement et l’adhésion très ancienne de l’Etat, sanctuarisé par la charte de Kouroukan fouga (Charte du mandéen) proclamée en 1236.
Evoquant la crise de la démocratie constitutionnelle, qui pose la question de l’organisation des pouvoirs, du respect de l’Etat de droit et des libertés fondamentales, les actes du colloque régional d’AfrikaJom Center de 2023 présentent le diagnostic en ces termes : « Force est de constater la nécessité de repenser le régime présidentialiste exacerbé avec un hyper-président qui concentre entre ses mains tous les autres pouvoirs, du fait d’un pouvoir de nomination sans contrôle, qui couvre sans limites toutes les institutions de la République. Président de la République et souvent président du parti et de la coalition politique majoritaire, il arrive, par le jeu des nominations à contrôler toutes les institutions politiques, économiques, sociales et judiciaires… Cela crée souvent un État partisan au service d’intérêts partisans, au lieu d’être au service de l’intérêt commun. »
L’enjeu est donc de voir comment créer les conditions d’un Etat démocratique, républicain, neutre, au service de l’intérêt général et de la diversité. Comment créer des mécanismes efficaces qui permettent de tempérer les pouvoirs de l’institution présidentielle dans ses rapports avec les autres institutions pour créer un système d’équilibre des pouvoirs ? La problématique de la prégnance de l’hyper-présidentialisme dans les régimes ouest-africains mérite qu’on lui consacre une recherche approfondie afin d’expliquer le phénomène et ses mécanismes opérateurs, ses causes lointaines et immédiates, les risques de déliquescence de l’Etat et ses conséquences sur la stabilité ou l’instabilité politique. Enfin, des recommandations réalistes seront formulées pour tempérer l’hypertrophie des prérogatives présidentielles, gage d’une garantie effective des libertés publiques et d’une compétition politique équitable.
Objectifs de la recherche
Au regard de ce qui précède, il appert important de mener une étude qui examinerait en profondeur l’impact de l’hyper-présidentialisme sur la démocratie et explorer les moyens de renforcer la séparation des pouvoirs comme réponse à ce phénomène. L’étude devient un impératif au regard des différents constats faits dans les pays africains qui sont confrontés à cette déviance du constitutionnalisme.
De manière spécifique, l’étude permettra de :
- définir et caractériser l’hyper-présidentialisme dans différents contextes politiques ;
- analyser les effets de l’hyper-présidentialisme sur la démocratie, en se concentrant sur la concentration du pouvoir, la gouvernance et les droits de l’homme ;
- étudier des cas où le renforcement de la séparation des pouvoirs a eu un impact positif sur la démocratie ;
- proposer des stratégies et des réformes pour renforcer la séparation des pouvoirs et lutter contre l’hyper-présidentialisme.
Méthodologie
Recherche documentaire
La phase de revue documentaire a permis de consulter les différents rapports sur le sujet, les recherches scientifiques, études académiques ou techniques existantes, de même que les rapports des organisations internationales, gouvernementales et non gouvernementales sur l’état de la démocratie en Afrique et autres thématiques en lien avec le sujet de la recherche. A titre illustratif, nous nous sommes intéressés aux rapports des Nations Unies ainsi qu’aux rapports des centres de recherche stratégiques axées sur les questions de démocratie, de bonne gouvernance, des crises politiques et des droits de l’Homme en Afrique.
Elaboration des outils d'enquête/ de recherche
L'élaboration des outils d'enquête qualitative (guides d'entretien, focus groups) a tenu compte des résultats attendus de la recherche. Ces outils ont servi à la collecte des informations ciblées au cours des séances d’entretien. Les personnes interviewées ont été ciblées intentionnellement en fonction de leurs expériences théoriques et pratiques en sciences politiques, juridiques et en pratiques politiques. Des figures représentatives de l’opinion publique, leaders d’organisation de la société civile et des journalistes ont été également pris en compte.
Activités de collecte de données
Cette étape de la recherche est importante car sans données, aucune conclusion ne peut être tirée. Elle a été réalisée suivant plusieurs approches :
Entretiens avec les personnes ressources
Ils caractérisent l’originalité de la recherche. Au regard des contraintes budgétaires et de temps, les entretiens avec les personnes ressources ont été réalisés essentiellement en distanciel, via les plateformes digitales. Au total seize (16) entretiens qualitatifs, avec des personnes ressources (leaders politiques, acteurs influents de la société civile, universitaires, journalistes) réparties dans cinq pays africains (Togo, Bénin, Sénégal, Mali et Cameroun), ont été réalisés.
Les entretiens libres et semi-directifs ont été privilégiés afin de permettre aux personnes cibles de mieux communiquer et de donner les informations recherchées dans une ambiance conviviale. Une liste des personnes ressources interrogées par pays a été établie (voir annexe 2).
Ciblage des acteurs personnes ressources
Les personnes ressources ont été ciblées dans différents pays notamment le Benin, Cameroun, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Ce sont des acteurs influents de la société civile, des enseignants chercheurs, des acteurs gouvernementaux, des fonctionnaires du système des Nations Unies, tous intervenant directement ou indirectement sur des questions de démocratie et de bonne gouvernance.
Traitement et analyse des données
L'analyse des données collectées a été faite en prenant en compte les contextes politiques de différents pays africains, les cadres légaux et réglementaires, les standards internationaux, les différents acteurs, leurs comportements et leur mode opératoire, les pratiques constitutionnelles, les contrepouvoirs existants, le rôle de l’opposition, les différentes représentations parlementaires, les statuts des magistrats, etc. L'analyse a permis de faire ressortir tous les indicateurs d'intérêt pour l'étude et d’apporter des réponses aux questions soulevées dans la problématique de l’étude.
Partie I : Compréhension approfondie de l’hyper-présidentialisme en Afrique
Définition du concept de l’hyper-présidentialisme
De façon classique, l'hyper-présidentialisme se définit comme un concept politique qui se réfère à un système dans lequel le pouvoir exécutif, notamment le président, détient une influence et un contrôle excessifs sur les autres branches du gouvernement, ainsi que sur les institutions de contre-pouvoirs. Dans un tel système, le président exerce un pouvoir considérable et souvent disproportionné par rapport aux autres organes de l'État, tels que le législatif et le judiciaire. Cette concentration excessive de pouvoir se traduit généralement par une diminution de la séparation des pouvoirs, une faiblesse dans la reddition de comptes, une tendance à l'autoritarisme, une violation ou abus des libertés publiques. En d’autres termes, il s'agit d'un système politique dans lequel le président de la République dirige effectivement la politique du pays.
Le droit constitutionnel distingue traditionnellement deux grands régimes politiques, en l’occurrence le régime parlementaire et le régime présidentiel, qui ont séduit par leurs effets au regard des expériences britannique et américaine et sont passés pour modèles au point d’inspirer l’œuvre des constituants africains après les indépendances. La force ou la réussite de ces régimes classiques, dans les systèmes politiques où ils sont mis en œuvre, réside dans le fait qu’ils assurent un subtil équilibre entre les trois pouvoirs (le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire), garantissent la bonne gouvernance et le respect des droits et libertés publiques. À la remorque de ce modèle de gouvernance, se trouve l'idéologie de la séparation des pouvoirs systématisée d’abord par John Locke et de façon magistrale par Montesquieu. Ce dernier affirmait dans son ouvrage culte « De l'Esprit des Lois », publié en 1748 que « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
L’hyper-présidentialisme s’analyse donc comme une déformation (une “forme corrompue”, dirait Aristote) du régime présidentiel américain maladroitement expérimenté/implémenté par les dictatures militaires d’Amérique latine et en Afrique. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG par exemple invite à distinguer “régime présidentiel pur“ que l’on voit fonctionner aux Etats-Unis et “régime présidentiel dégénéré“ ou “présidentialisme“ qu’on voit se développer en Amérique latine et en Afrique. Selon l’état des libertés publiques et le caractère compétitif des élections, on peut distinguer le présidentialisme démocratique (exemples : Afrique du Sud, Sénégal, France) du présidentialisme autoritaire (exemples : Congo, Guinée Equatoriale, Cameroun, Venezuela). L’hyper-présidentialisme constitue une aggravation de cette dernière catégorie. Certains auteurs utilisent le terme de régime mixte pour qualifier l'hyper-présidentialisme. Il faut souligner qu'au rang de ces régimes intermédiaires issus de la déformation des deux grands régimes se trouve aussi les régimes d’assemblée (ou parlementarisme absolu), les régimes semi-présidentiels, semi-parlementaires, parlementaires rationalisés, présidentialistes, etc.
Éléments caractéristiques de l’hyper-présidentialisme
L’hyper-présidentialisme se caractérise par une suprématie de l’institution présidentielle sur toutes les autres institutions. L’hégémonie (concept forgé par Antonio Gramsci) représente une domination sans partage. Le terme provient du grec hegemon, qui désignait initialement un commandant en chef. L’hyper-présidentialisme est aujourd’hui caractéristique de beaucoup de régimes politiques africains, même ceux ayant connu une trajectoire de démocratisation plus ou moins réussie (Sénégal, Bénin). Dans la littérature politologique africaniste, on parle ainsi de “régression démocratique”, de “bifurcation autoritaire”, de “dérives oligarchiques” ou de “démocraties tutélaires”.
Parmi les systèmes politiques présidentialistes modernes, Samuel Finer (Comparative Government, 1970) établit une typologie basée sur trois critères :
- participation-exclusion (soit le degré de participation ou d’exclusion des citoyens de l’activité politique) ;
- coercition-persuasion (degré d’obéissance obtenu sans recours à la contrainte physique ou à la peur) ;
- représentativité-orientation (pouvoir politique défini par sa capacité à refléter ou non les valeurs privilégiées de la masse des citoyens).
Il aboutit à trois modèles de présidentialisme qu’on peut retrouver dans le continent africain :
- les régimes militaires (coercition, exclusion) ;
- les régimes démocratiques de façade (manipulation) ;
- les régimes d’encadrement et d’appel aux sentiments irrationnels (avec les quasi-démocraties).
De même, Edward Shils (Political Development in the New States, 1965) propose une classification des systèmes présidentialistes assez proche dans la méthode. Il en distingue quatre catégories :
- Les démocraties tutélaires : prépondérance de l’exécutif et de l’administration, législatif faible, malgré les apparences démocratiques;
- Les oligarchies en voie de modernisation (concentration du pouvoir par des cliques bureaucratiques et/ou militaires, priorité au développement économique ;
- Les oligarchies totalitaires : parti tout puissant, mobilisation sociale courante, société civile dominée et pénétrée par l’Etat ;
- Les oligarchies traditionnelles : monarchies ou dynasties cherchant à se perpétuer malgré quelques ouvertures démocratiques.
Causes de l'hyper-présidentialisme en Afrique
D’abord l’une des causes, avancée dans la doctrine, pour expliquer l’hyper-présidentialisme en Afrique repose sur le droit, notamment la pratique routinisée voire banalisée de la révision constitutionnelle, souvent “déconsolidante” de la démocratie, à l’usage discrétionnaire du président et en sa faveur (voir par exemple l’ouvrage collectif dirigé par le politiste Rahmane Idrissa sur Les élections présidentielles au Sénégal de 1963 à 2012, publié en 2018). En effet, c’est par le droit, c’est-à-dire par les aménagements constitutionnels, qu’on crée les conditions de l’hyper-présidentialisme, en faisant du président de la République la clé de voûte des institutions, l’alpha et l'oméga du système politique car nommant aux fonctions civiles et militaires. Dans certains pays tels que le Sénégal, la Cote d’Ivoire, la Constitution fait de lui le président du Conseil supérieur de la magistrature, ayant un contrôle sur la carrière des magistrats, donc sur le pouvoir judiciaire. Il est aidé en cela, dans les faits, par les arrangements politiques qui favorisent le phénomène majoritaire au parlement, le patrimonialisme au sommet de l’Etat, la politisation à outrance de l’administration et le clientélisme politique. Cet usage discrétionnaire de la révision constitutionnelle lui donne la possibilité de se pérenniser au pouvoir en faisant régulièrement et arbitrairement sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels. Enfin, le droit constitutionnel nourrit aussi les stratégies de construction hégémonique d’une majorité au pouvoir, incarnée par un président tout puissant, qui ne fait aucune concession à l’opposition républicaine, à la société civile ou aux médias indépendants.
En s’appuyant sur le phénomène majoritaire, les désirs du Président africain sont promptement satisfaits, en méconnaissance ou en sacrifiant la norme juridique ou du formalisme et des exigences procédurales qui valident la régularité des mesures. De telles méprises flagrantes ont pu entraîner des conséquences évaluables à des degrés divers. Dans la plupart des cas, les présidents en place utilisent des tactiques politiques pour renforcer leur pouvoir, telles que la manipulation des élections. Toutes les institutions impliquées dans l’organisation des élections, y compris la cour constitutionnelle, les commissions électorales, et l’autorité de régulation des médias, sont acquises à leur cause en raison de leur pouvoir de nomination et de la soumission quasi absolue des personnes nommées. Celles-ci sont animées par la volonté de servir non pas l’État, mais la personne du Chef de l’État et son parti politique. Les présidents recourent également à l'intimidation des opposants politiques, à la suppression de la liberté d’expression et à l’utilisation subtile des moyens de l’État pour dominer les concurrents politiques. Cette fâcheuse situation est rendue possible par la faiblesse des institutions démocratiques largement caporalisées par l’hégémonie du Chef de l’Etat. Dans les pays où les institutions démocratiques sont faibles ou sous-développées, le Président est tenté d'accroître son pouvoir pour mieux les contrôler. Cela se produit généralement lorsque les contre-pouvoirs, tels que le Parlement, les médias indépendants ou la société civile et autres institutions politiques, sont inefficaces, faibles ou corrompus entraînant une concentration accrue du pouvoir entre les mains du président, perçu comme le seul capable de prendre des mesures efficaces. En cela, on peut comprendre en partie la citation du 44ème Président américain selon laquelle « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ».
Ensuite, une autre cause de l'hyper-présidentialisme sur le continent est sans doute l’attachement des sociétés africaines à un trait culturel déterminant qui est la personnalisation du pouvoir et le culte du Chef. En ce sens, l’ancien président sénégalais Léopold S. Senghor, regrettant l'éphémère régime parlementaire qu’il a contribué à instituer en 1960, a eu à affirmer que « chez les peuples fluctuants à effectivité volcanique et à réaction immédiate, il faut un pouvoir, c'est-à-dire un exécutif fort et non partagé ». Selon certains auteurs, l’expression de ces traits culturels se décline de la manière suivante : « la nécessité d’incarner dans un “homme fort”, l’entreprise nouvelle de “construction nationale” », par analogie, avec la figure du chef traditionnel. Un auteur relevait au tout début du XXIe siècle une similitude avec « la distribution du pouvoir dans le cadre de la maison », où « seul le chef de famille possède, seul il commande ». Il est évident que dans les sociétés africaines, il y a une préférence pour un leadership fort et centralisé, constituant un terreau fertile pour l'éclosion de régime présidentiel et par abus, de l'hyper-présidentialisme. Dans certains pays, l'hyper-présidentialisme découle d'une tradition historique où le pouvoir a été historiquement concentré entre les mains d'un dirigeant fort ou d'une figure présidentielle dominante. Cette tradition peut remonter à des régimes autoritaires ou à des périodes de dictature.
Enfin, une situation d’instabilité chronique, que ce soit sécuritaire ou politique, peut-être une cause de l’hyper-présidentialisme ; les dirigeants s’estimant forcés de consolider leur pouvoir afin de maintenir l'ordre et la stabilité. Les crises économiques, les conflits ethniques ou religieux, ou les menaces sécuritaires peuvent donc servir de justifications pour renforcer les pouvoirs présidentiels. La situation actuelle du Mali, du Burkina Faso ou du Niger illustre de fort belle manière cet état des choses. La montée récente de l’hyper-présidentialisme est essentiellement tributaire d’une situation politico-sécuritaire complexe et délétère. La crise sécuritaire a en effet entraîné au Mali deux coups d’Etat militaires en l’espace d’un an, notamment en octobre 2020 et en mai 2021. Le Burkina Faso en a aussi connu deux – celui du 30 septembre 2022, huit mois après le premier coup de janvier 2022 - et le Niger – un – celui du 23 juillet 2023. Ces différents coups d’Etat, largement expliqués par l’urgence sécuritaire sur fond de lutte contre le terrorisme, ont profondément ébranlé les acquis démocratiques des années 1990. Les militaires qui se sont emparés du pouvoir ont été saisis par le virus de l’hyper-présidentialisme et en ont ainsi profité pour dénaturer l’équilibre des pouvoirs au profit d’un exécutif fort et tentaculaire. Il en est résulté divers abus, notamment l’atteinte aux libertés fondamentales, la politisation du secteur de la justice, entre autres.
Manifestations de l’hyper-présidentialisme
Dans l’histoire politique du Sénégal
Au Sénégal, une crise de leadership entre le Président de la République et le Président du Conseil avait abouti au remplacement du régime parlementaire de la constitution du 26 août 1960 par le régime présidentiel dès décembre 1962. En effet, une crise latente s’était installée entre le Président Léopold Sédar Senghor, chef de l’Etat, et le Président du Conseil, Mamadou Dia, véritable chef de l’exécutif, investi par l’Assemblée nationale. La rivalité ayant conduit à des clans autour des deux leaders tant au niveau du parti dominant qu’à celui du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, vira à une confrontation qui se dénoue sur le plan constitutionnel le 17 décembre 1962 par la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement. La motion de censure, seul moyen prévu par la Constitution pour démettre le chef du gouvernement de ses fonctions, fut déposée par 41 députés reprochant au gouvernement des entraves au libre exercice parlementaire et l’utilisation de la loi sur l’état d’urgence comme un instrument de répression aveugle. Le gouvernement de Dia étant mis en minorité, le Président de la République, Senghor, sort vainqueur de la crise avec des pouvoirs renforcés par la révision constitutionnelle n° 62-62 du 18 décembre 1962 qui le consacre chef de l’Etat et chef de l’exécutif. Cette situation fut entérinée par la Constitution du 7 mars 1963 mettant en place un régime présidentiel fort.
Cette confrontation spectaculaire pour le contrôle du pouvoir entre le Président de la République soutenu par ses partisans (les « senghoristes ») et le Président du Conseil et ses fidèles (les « diaistes ») tourna, dans des circonstances juridiques et politiques confuses, à la faveur du premier. Le président du Conseil – qui avait refusé de présenter sa démission après le vote de la motion de censure contre son gouvernement – et ses partisans furent arrêtés et jugés. La crise politique et institutionnelle de 1962 (la plus dramatique de l’histoire du Sénégal) a été certainement favorisée par la complexité de la Constitution de 1960 et les divergences idéologiques et de tempérament profondes entre les deux hommes forts du Sénégal d’alors. Il apparaît ainsi qu’à l’issue de cette crise institutionnelle de 1962, la vie politique sénégalaise a fonctionné sous un mode autoritaire et hyper-présidentialiste, marqué par la domination du parti au pouvoir (Union Progressiste Sénégalaise, devenue Parti Socialiste en 1974), réfractaire à toute ouverture « réelle » du jeu politique et qui étouffait toute velléité de dissension ou d’opposition ; ceci en dépit de la consécration constitutionnelle du pluralisme politique. D’ailleurs est-il intéressant de constater que lors des élections présidentielles de 1963 (première élection présidentielle au suffrage universel direct), de 1968 et de 1973, Senghor était le seul candidat.
Cette crise institutionnelle porte sans nul doute les germes de l’hyper-présidentialisme au Sénégal. Celui-ci a été marqué, sous le régime de Senghor, par un exécutif monocéphale où le Président de la République est l’alpha et l’oméga du système politique. Ce présidentialisme fort sera artificiellement tempéré en 1970 par une réforme constitutionnelle qui introduisit le poste de Premier Ministre. Plus tard, celui-ci deviendra le dauphin constitutionnel du Président de la République par la modification de l’article 35 de la Constitution en 1976. De Abdou Diouf à Macky Sall, en passant par Abdoulaye Wade, les chefs d’Etat qui se sont succédés ont perpétué une vieille tradition de construction hégémonique du pouvoir présidentiel, à travers des coalitions tentaculaires autour du Président et de son parti. A cela s’ajoute l’utilisation abusive du phénomène majoritaire et du clientélisme politique pour neutraliser et rendre dociles les pouvoirs législatif et judiciaire. Ce qui ouvre un boulevard au chef de l’Etat pour opérer toute modification de la constitution afin de mieux renforcer ses pouvoirs et ainsi asseoir sa suprématie « légalisée » dans le jeu des institutions.
Dans l’histoire récente du Mali
Au Mali, la constitution du 22 septembre 1960 consacre un exécutif moniste exceptionnel en régime parlementaire, avec un chef de l’Etat en même temps chef du gouvernement responsable devant l’Assemblée nationale. Dès 19 janvier 1961, soit quelques mois plus tard, le présidentialisme est amorcé grâce à la révision de la constitution du 22 septembre 1960, supprimant la vice-présidence. L’histoire récente du Mali est l’exemple type de la montée de l’hyper-présidentialisme causé à la fois par une instabilité chronique du fait de la situation sécuritaire et la faiblesse des institutions politiques et de contre-pouvoirs. En effet depuis 2012, le pays traverse une crise multidimensionnelle du fait de la présence très active non seulement des groupes rebelles séparatistes mais aussi des groupes extrémistes religieux de types islamistes. Situation qui, sans doute, a amené le régime de transition actuel, installé depuis octobre 2020 sous la houlette du colonel Assimi Goita, à consolider les pouvoirs de l’exécutif et à verser dans l’hyper-présidentialisme. L’analyse croisée entre la constitution du 25 février 1990, la Charte de transition de 2020, la Charte de transition révisée du 25 février 2022 et la constitution du 22 juillet 2023 suggère les remarques suivantes attestant des dérives présidentialistes du régime :
- Le Président de la République est le chef de l'État. Il est le gardien de la Constitution. Il incarne l'unité nationale. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, du respect des traités et accords internationaux. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l'État
- Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.
- Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et du président de l'Assemblée nationale, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale.
- Le Président de la République est chef suprême des armées. Il préside le Conseil supérieur et le Comité de défense de la défense nationale.
- Le Président de la République est le président du Conseil supérieur de la magistrature. Il exerce le droit de grâce. Il propose les lois d'amnistie.
- Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets pris en Conseil des ministres. Il nomme aux emplois civils et militaires supérieurs déterminés par la loi.
- Les membres de la Cour suprême sont nommés par décrets pris en Conseil des ministres.
- Trois des membres de la Cour constitutionnelle sont nommés par le Président de la République.
- L’article 9 nouveau de la charte de transition révisée, dispose que « Les responsables administratifs et financiers des Institutions de la République sont nommés par décret pris en Conseil des Ministres. »
On retrouve quasiment ces mêmes prérogatives constitutionnelles dévolues au Président de la République dans la majeure partie des constitutions des pays africains francophones de l’Ouest et du Centre ; comme si le mimétisme institutionnel ne pouvait pas aussi s’intéresser aux bonnes pratiques mondiales en matière de gouvernance politique.
Par ailleurs, le régime de transition a initié une réforme constitutionnelle en 2022 qui a abouti à une nouvelle constitution, promulguée par décret du N°2023-0401/PT-RM du 22 juillet 2023. Alors que la constitution précédente dispose en son article 53 que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation et dispose de l’Administration et de la force armée », l’article 76 de la nouvelle constitution de juillet 2023 réaménage les pouvoirs au profit du chef de l’Etat en disposant que « Le Gouvernement conduit la politique de la Nation déterminée par le Président de la République. Il dispose de l’Administration ». Face à toutes ces prérogatives du Chef de l’Etat, le pouvoir législatif censé contrôler l’exécutif en cas d’abus, est presque inexistant. Les 147 membres du Conseil National de la Transition (CNT) sont tous nommés par le Président de la transition, qui a aussi la capacité d’abroger la nomination. A titre d’exemple, deux membres du CNT notamment Issa Kaou Djim et Adama Ben Diarra alias Ben le Cerveau, tous deux devenus critiques sur la gestion de la transition, ont vu leur décret de nomination simplement abrogé.
Dans ce système de gouvernance où l’hégémonie de l’exécutif est palpable, les effets sur le pouvoir judiciaire restent évidents. En plus des pouvoirs de droit que l’exécutif a sur le Conseil supérieur de la magistrature, on a pu noter dans les faits, des manœuvres actives tendant à caporaliser le pouvoir judiciaire, constamment dénoncées par l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants (AMPP) et la Référence Syndicale des Magistrats (RefSyMa), deux associations qui se sont présentées à un moment donné de l’histoire récente du Mali comme un rempart à l’hyper-présidentialisme.
Aujourd’hui, cette apparente confusion des pouvoirs a un impact négatif sur l’exercice des droits fondamentaux, sur fond d’une restriction excessive de l’espace civique, fréquemment dénoncée dans les rapports de l’Expert Indépendant des Nations Unies sur la situation au Mali, Alioune Tine. En effet, la plupart des personnes qui étaient assez critiques sur la gestion de la transition sont soit intimidées ou harcelées, soit mises en prison. Il en est ainsi des influenceurs comme Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath et Roukia Doumbia, très critiques envers les autorités de la transition, qui sont actuellement en prison pour « incitation à la révolte » et « trouble à l’ordre public par l’usage des technologies de l’information et de la communication ». Ben le Cerveau, ex-membre du CNT, est aussi détenu pour avoir, entre autres, déclaré que la transition devrait respecter les délais d’organisation des élections. Issa Kaou Djim aussi a été victime de harcèlement judiciaire avant d’être renvoyé du CNT pour avoir tenu des propos « injurieux » à l’endroit du Premier ministre. Dans ce contexte, beaucoup de journalistes sont dans l’auto censure afin d’éviter des poursuites judiciaires ou harcèlements administratifs. Le 3 novembre 2022, la Haute autorité de la communication malienne (HAC) a suspendu pour une durée de deux mois, JOLIBATV, l’une des principales chaînes d’information du pays après des propos jugés critiques contre la Transition.
Ces harcèlements touchent aussi les responsables de partis politiques qui sont non seulement affaiblis mais aussi intimidés et parfois poursuivis. A titre d’exemple Oumar Mariko, le président du parti politique Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI), a été contraint de fuir le Mali, après avoir affirmé que les militaires au pouvoir ont tué des civils dans le village de Mourra, au centre du Mali.
L’hyper-présidentialisme au Mali nourrit une propagande nationaliste et une rhétorique souverainiste y compris sur les réseaux sociaux, entrainant des milliers de messages de haine à l’endroit de toutes pensées dissidentes de celle incarnée par le guide, le Président de la Transition. Une des victimes est sans doute le journaliste Malick Konaté, menacé de mort sur les réseaux sociaux et contraint à l’exil, après avoir participé à un documentaire sur la présence de la milice Wagner au Mali. Il apparaît ainsi qu’au Mali, du fait de l’hyper-présidentialisme, il est difficile de concevoir, à l’état actuel des choses, un régime d’équilibre des pouvoirs.
Partie II : Cartographie des pays avec un régime politique hyper-présidentialiste
L'élaboration d'une cartographie des régimes hyper-présidentialistes en Afrique représente une entreprise à la fois complexe et délicate. Cette difficulté découle essentiellement de la nature évolutive de la dynamique politique dans de nombreux pays du continent, comme en témoignent les récents événements survenus au Sénégal, consécutifs au report de l'élection présidentielle. Ces événements illustrent de manière éloquente que toute tentative de cartographie établie aujourd'hui ne peut prétendre à une validité immuable.
La complexité du concept même d'hyper-présidentialisme constitue un défi majeur dans l'élaboration d'une telle cartographie. Comme décrit plus haut, ce régime se caractérise par la concentration absolue du pouvoir de l'État entre les mains du Président de la République. Il s'agit d'un système où le président détient le pouvoir de nommer et de révoquer le Premier ministre, de dissoudre le Parlement et d'autres institutions républicaines, lui conférant ainsi un pouvoir de gouverner par décret.
La comparaison des régimes hyper-présidentiels en Afrique révèle une série de similitudes et de différences à travers divers critères liés aux caractéristiques du régime et à l'équilibre des pouvoirs. Ces critères englobent la nature du pluralisme politique, le système de parti dominant, l'ingérence de l'exécutif dans le pouvoir judiciaire, la neutralisation des contre-pouvoirs, la répression des voix dissidentes et oppositionnelles, la présence ou l'absence d'une société civile active, le contrôle des médias publics et privés par l'exécutif, le niveau de répression ou de restriction des libertés publiques, ainsi que la qualité de l'État de droit.
Un tableau de cartographie des régimes hyper-présidentialistes en Afrique est proposé en annexe du présent rapport (voir annexe 1). Celui-ci présente, de façon synoptique, la situation actuelle des régimes politiques pouvant être qualifiés d’hyper-présidentialistes en Afrique. Il permet de dégager un certain nombre de caractéristiques communes et d’effets/impacts sur les systèmes politiques africains, permettant d’appréhender et de comprendre ce phénomène.
De manière synthétique, les conclusions découlant de l’analyse de la cartographie élaborée sont présentées dans les lignes suivantes.
Caractéristiques communes aux régimes hyper-présidentialistes en Afrique
Nature des régimes
Déterminer la nature des régimes politiques des pays en Afrique est un exercice fort complexe pour au moins trois raisons principales : d’une part, il faut choisir parmi la diversité des critères de classification. D’autre part, il faut échapper à la grande instabilité des régimes dans le temps et dans l’espace, puisque chaque pays peut connaître plusieurs régimes sur des périodes relativement courtes. Enfin, il faut être attentif au fait que les régimes sont souvent mixtes, mêlant des logiques civiles et militaires, ou puisant dans des registres idéologiques et de légitimation plurielle. Néanmoins, eu égard à la situation politique actuelle en Afrique, la classification adoptée est semblable à celle proposée par l’Atlas sociologique mondiale.
En effet, selon cette dernière, sur les 54 Etats souverains d’Afrique, 27 sont des républiques à régime présidentiel, 12 sont des républiques à régime semi-présidentiel, 4 sont des régimes dirigés par des militaires, 3 sont des républiques à régime parlementaire, 2 sont des républiques à régime parlementaire liées à un régime présidentiel, 1 est un régime à parti unique, 2 sont des républiques à gouvernement provisoire ou en transition, 1 est une monarchie constitutionnelle, 1 est une monarchie semi-constitutionnelle et 1 monarchie absolue.
Une rapide comparaison de la nature des régimes politiques présentés ci-haut permet d’obtenir les résultats suivants :
Nature du régime politique | Nombre total en Afrique | Nombre de pays avec régime hyper-présidentialiste |
Présidentiel | 27 | 16 |
Semi-présidentiel | 12 | 5 |
Dirigé par les militaires | 4 | 3 |
Parlementaire | 3 | 0 |
Parlementaire lié à un régime présidentiel | 2 | 0 |
Parti unique | 1 | 1 |
Gouvernement provisoire ou en transition | 2 | 2 |
Monarchie constitutionnelle | 1 | 0 |
Monarchie semi-constitutionnelle | 1 | 0 |
Monarchie absolue | 1 | 0 |
Il en ressort que 16/27 pays ayant un régime politique présidentiel sont des régimes hyper-présidentialistes également, soit une proportion de 59,25% de pays en Afrique. Il en est de même pour les pays à régime semi-présidentiel dont 45,5% sont des régimes hyper-présidentialistes. Quant aux pays dirigés par les militaires, 75% d’entre eux le sont également et 100% des pays en transition ont des tendances hyper-présidentialistes. Il serait utile de relever que le régime politique des pays aujourd’hui gouvernés par des militaires et les pays en transition était pour la plupart le régime présidentiel.
L’on pourrait donc être tenté de conclure que le régime présidentiel semble être un terreau un peu plus favorable au développement des dérives tels que l’hyper-présidentialisme.
Concentration du pouvoir entre les mains du président
Dans la quasi-majorité des pays à tendance hyper-présidentialiste, on constate une concentration des pouvoirs entre les mains du président, qui agit à la fois comme chef de l'État et chef du gouvernement. Cette concentration est souvent renforcée par la possibilité pour le président de nommer le Premier ministre, les membres du gouvernement, aux fonctions militaires et aux hauts postes de responsabilité et de dissoudre le Parlement à sa discrétion.
Longévité des présidences en Afrique
La longévité des présidences est souvent marquée par des règnes prolongés et des dynasties politiques familiales. Cette persistance au pouvoir est souvent facilitée par des amendements constitutionnels controversés très souvent opérés par les pouvoirs constituants dérivés, l'absence de limitations claires des mandats présidentiels et des processus électoraux entachés d'irrégularités.
Impacts sur la qualité du système politique
Affaiblissement des institutions démocratiques
Tout d'abord, cette centralisation du pouvoir exécutif affaiblit le contrôle parlementaire de l’action de l'exécutif, limitant ainsi les contrepoids démocratiques essentiels. En outre, ces régimes se caractérisent par une faible indépendance du pouvoir judiciaire, ce qui entrave la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens. Les violations des droits humains, la répression des opposants politiques et la corruption sont souvent endémiques, alimentant un climat d'impunité et de méfiance envers les institutions étatiques.
Aussi, comme le précise Mamadou Sy Albert, parlant de l’hyper-présidentialisme, ce projet politique monopolistique pèse lourdement sur tous les autres pouvoirs et tend naturellement à la « paternalisation » des rapports institutionnels. Finalement, le président « devient un monstre capable de briser des carrières, des vies humaines et des familles politiques » .
Démolition des fondements de la gouvernance démocratique
La prépondérance du président n’est pas sans conséquence sur l’équilibre des pouvoirs, qui est pourtant le fondement de la démocratie. En effet, elle entraîne inexorablement, comme c’est le cas dans la majorité des pays présentés plus haut, une dictature personnelle qui s’appuie sur un personnel nommé par voie discrétionnaire et par suite le règne de l’arbitraire. A cet effet, Mamadou Sy Albert précise qu’il « produit par son mode d’organisation et de fonctionnement, l’inféodation de tous les leviers institutionnels et non institutionnels de la gouvernance, au pouvoir décisionnel illimité de fait du président de la République en exercice, d’où l’usage abusif et permanent des forces de sécurité et de défense. »
Cela crée un environnement propice à l’autoritarisme, à la corruption et à l’abus de pouvoir, sapant ainsi les fondements même de la gouvernance démocratique. En Afrique de l’Ouest par exemple, malgré l’inscription de ce principe dans de nombreuses constitutions, son application reste un défi majeur. Les présidents de la région détiennent souvent un pouvoir étendu, leur permettant de prendre des décisions unilatérales et de contrôler significativement les institutions gouvernementales. Cette concentration de pouvoir affaiblit les mécanismes de contrôle et d’équilibre essentiels à une gouvernance démocratique.
Profond déficit de légitimité
De manière générale, dans les pays africains désignés comme hyper-présidentialistes, la question sur la légitimité politique des majorités présidentielles obtenues se pose avec une réelle acuité. Cela provient du fait que les contre-pouvoirs, tels que le Parlement, le pouvoir judiciaire et les médias, sont souvent affaiblis ou cooptés par le président et son entourage, limitant ainsi leur capacité à exercer un contrôle efficace sur l’exécutif et à garantir la reddition de comptes. Les citoyens dès lors parviennent difficilement à reconnaître dans le pouvoir en place la légitimité qui devrait lui être due. Bien plus, ils le considèrent comme un corps étranger, très peu orienté à servir leurs intérêts.
Réduction de l’espace civique
Parallèlement, ces régimes présentent souvent un système de partis politiques dominé par le parti au pouvoir, réduisant ainsi la diversité politique et restreignant les opportunités pour une opposition efficace. Cette domination politique s'accompagne généralement de restrictions sévères sur les libertés d'expression, de réunion, de la presse et d’association, visant à étouffer toute forme de dissidence afin de maintenir le statu quo. Cette situation s'opère généralement par l’adoption des textes de droits par le canal de la majorité parlementaire acquis à la cause du parti au pouvoir, mais aussi par divers mécanismes visant à restreindre drastiquement l’accès au financement des organisations de la société civile, harceler par des procédure-bâillons des leaders et des défenseurs de droits. Dans le même sens des manœuvres bureaucratiques contraignantes pour les acteurs de la société civile (retrait des fréquences aux stations radiotélévisions, l’interdiction des journaux, refus d’octroi de récépissés aux associations, etc..).
Confiscation de l’appareil électoral et de ses objectifs
Un régime politique a trois fonctions essentielles : la conquête du pouvoir, sa conservation et sa transmission (survie). De ce fait, la dérive hyper-présidentialiste impactera inéluctablement l’appareil électoral (structure, process et objectifs).
Partie III : Etudes de cas illustrant l’impact du renforcement de la séparation des pouvoirs sur la qualité démocratique
La démocratie est un objectif perfectible, une quête permanente. En Afrique comme ailleurs, qualifier un État de démocratique ou d'État de droit n’est pas chose aisée. Certains Etats sont considérés comme de mauvais élèves de la démocratie et de l’Etat de droit contrairement à d’autres. Cela signifie que le bon fonctionnement d’une démocratie consolidée est mesuré, voire apprécié, à l’aune de facteurs précis qui permettent aux observateurs de pouvoir apporter des jugements réalistes. Dans le cadre de cette étude de cas relative aux États les mieux avancés dans la mise en œuvre des principes démocratiques en Afrique, contrastant ainsi avec les systèmes hyper-présidentialistes, quatre pays ont été choisis comme modèles de réussite démocratique sur la base des indicateurs et observations convergentes. Il s’agit notamment du Ghana, du Cap Vert, de l’Ile Maurice et de l’Afrique du Sud. Ci-dessous, seront analysés ces modèles démocratiques en relevant les éléments leur permettant de confirmer leurs positionnements sur la scène politique africaine.
Démocratie en Ile-Maurice
La démocratie mauricienne est classée en première position en Afrique comme une démocratie complète par l’entreprise britannique The Economist Intelligence Unit. Fonctionnant sur la base d’un régime parlementaire classique, la démocratie mauricienne est régulée aussi par un système judiciaire rattaché à celui de la Common Law. Mise à part cette particularité, il est important de souligner la qualité du contrôle de constitutionnalité qu’opère la juridiction suprême au service d’une gouvernance démocratique transparente au point d’être qualifiée d’avoir insufflé, « une vitalité toute juridique au caractère démocratique du jeune État ». Cette dernière, dans son rôle de contrepouvoir et de régulation de la vie politique, contribue grandement à l’affermissement des principes démocratiques de cet Etat africain ayant eu son indépendance en 1968 et qui a fait de la séparation et de l’indépendance des pouvoirs, la pierre angulaire de son évolution démocratique.
Dans la même dynamique explicative des fondements de ce classement de choix, on remarquera à bien des égards que le Parlement mauricien est aussi doté de fortes attributions dans le fonctionnement des institutions. En effet, il est important de retenir que le Président de la République est élu par le Parlement après chaque élection pour un mandat de 5 ans. Ainsi, ce choix de faire de l’Assemblée nationale l’acteur clé qui légitime le Président de la République alors qu’elle-même est élue directement par les citoyens est une façon de rendre toute la force nécessaire à la loi qui s’impose à tous. Cela signifie que la responsabilité du Président et son gouvernement peut être engagée directement devant le Parlement comparativement aux démocraties dans lesquelles le Président est élu selon les textes au suffrage universel direct lors des élections facilement truquées et instrumentalisées. Dans ce dernier système la responsabilité du Président, sauf dans des cas exceptionnels où on peut enclencher la procédure de destitution par exemple, les présidents ne peuvent être sanctionnés que par le peuple dans le cadre des élections. Il va de soi que chaque système politique a ses vertus et ses inconvénients. Malheureusement, et on observe trop souvent cette instrumentalisation du suffrage universel direct dans plusieurs pays de l’Afrique francophone. La sincérité et la transparence dans les verdicts brillent par leur absence de sorte que la voix du peuple est fréquemment reléguée à une portion congrue par une minorité.
A rebours de ces mauvaises pratiques relatées ci-dessus qu’il faut d’ailleurs regrettées, les processus électoraux mauriciens sont bien encadrés pour des résultats concrets qui reçoivent l’adhésion d’une grande majorité de la population. Des enquêtes menées par Afrobarometre font état de ce que, non seulement le paysage médiatique est assez ouvert pour garantir le jeu politique, mais la population participe activement aux élections et nourrissent les commissions de contrôle de ces échéances d’une confiance majoritaire mis à part quelques cas de manquements isolés constatés lors des élections de 2019. Cela implique indirectement le respect des autorités mauriciennes des lois de l’Etat mais aussi des engagements internationaux vis-à-vis des droits humains liés à la jouissance de l’espace civique. Ces données, par ailleurs, soulignent évidemment aussi la prégnance d’une certaine sécurité juridique des institutions politiques de l’Etat qui exécutent leur mission sous la coupe d’une légitimité incontestée. La légitimité étant une valeur intrinsèque déterminant pour le bon fonctionnement d’une démocratie bien portante. Des recherches menées ont fait état de ce que, la diversité ethnique peut se révéler être parfois un handicap sérieux pour l’avancée de la démocratie dans plusieurs pays en Afrique. Si ce constat est avéré, l’Ile Maurice bénéficie également de cette exception. En effet, les populations de l’île sont issues de la même communauté.
Démocratie au Cap-Vert
Le Cap-Vert est très souvent classé dans les pays où la démocratie prospère le mieux en Afrique et au monde avec un système politique proche d’un régime semi-présidentiel. En effet, le Président de la République élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans cohabite avec le Premier ministre et son gouvernement qui dirige les actions de l’exécutif et la politique de la nation. La constitution de l'État adoptée en 1992 ainsi que les lois organiques du système électoral consacrent les grands principes démocratiques qui consolident la stabilité du régime. Les dispositions de l’article 102 de la Loi électorale en sont une illustration parfaite : « La loi électorale en vigueur ne peut être modifiée ni abrogée pendant l'année précédant les élections de n'importe quel organe du pouvoir politique jusqu'au décompte des résultats ». Il n’est guère difficile de comprendre dans cette dynamique le rôle de premier plan joué avec efficacité par les organes impliqués dans les processus électoraux au Cap-Vert.
D’ailleurs, ce qui est aussi important à noter, et qui constitue l’un des ressorts de la stabilité politique du pays, c’est le fait aussi que la Constitution capverdienne n’a jamais connu de cas de modification partisane dont l’objectif serait de permettre à un président de s’accrocher au pouvoir. Le pays n’a jamais connu non plus de coups d'État civil ou militaire. Les périodes d’alternances politiques se passent habituellement de manière apaisée en raison de la maturité politique des leaders qui pensent avant tout à l’intérêt général de la nation. C’est ce même leitmotiv qui prévaut lors des périodes de cohabitation paisible. Force est de constater par ailleurs que malgré le pluralisme politique affirmé, deux partis politiques dominent la scène politique notamment le PAICV et le MPD en raison de leur programme politique. Cette maturité politique fait que « l’appartenance à l’un ou l’autre des deux grands partis se transmet, dans de nombreuses familles, de génération en génération. Le rajeunissement des cadres et la modernisation du parti n’en sont que plus faciles ».
Dans cette même perspective, la place de choix réservée au respect des droits fondamentaux, surtout à la liberté de la presse, contrairement à ce qu’on aurait pu observer dans d’autres Etats, apparaît comme l’un des fondements d’enracinement de cette démocratie. D’ailleurs, le dernier classement datant de 2023 de Reporter Sans frontière en porte témoignage en ce qu’il place le Cap-Vert en 2ème position en Afrique derrière la Namibie à propos du respect de la liberté de la presse. On pourrait bien se reporter aux déclarations de l’ancien chef d’Etat Jorge Carlos de Almeida da Fonseca qui disait que « les médias jouent un rôle important dans la promotion de la citoyenneté et de la paix. Je parle ainsi de la presse libre, capable de faire une couverture médiatique équilibrée et impartiale ». Cette liberté, a-t-il poursuivi, « permet d’évaluer la situation du système démocratique, de vérifier les progrès et limites de tous les autres piliers, de faciliter le contrôle des différents pouvoirs et de permettre au citoyen ordinaire de participer à la construction de la démocratie ».
Démocratie en Afrique du Sud
Le système politique en Afrique du Sud était caractérisé par un pouvoir exécutif fort durant la période d’apartheid, alors que l’ordonnancement juridique de l’Etat a prévu un régime parlementaire. Ce n’est qu’après cette période trouble de l’histoire que l’Afrique du Sud a vu son système politique pleinement évoluer dans une dynamique de construction des institutions politiques fortes pour faire figure aujourd’hui d’une des démocraties les plus solides sur le continent. Cette volonté de changement de paradigme politique s’est accompagnée de l’adoption de plusieurs lois dans le but de purger cette vague de textes adoptés sur la base d’une idéologie d’exclusion d’une communauté et de mettre dorénavant l’ordonnancement juridique de l’Etat en phase avec les meilleures pratiques et standards internationaux.
Dans le nouveau système, le Parlement occupe une place prépondérante dans la constitution. En effet, il est l’acteur qui élit le Président de la République. Grâce à cette place que l’institution parlementaire occupe, le contrôle de l’action gouvernementale est de mise et très apprécié. Presque toutes les institutions politiques ne sont responsables que devant le Parlement à l’instar de la commission électorale, la commission des droits de l’homme, etc. Sur cette base, la participation citoyenne aux affaires de la cité est très mise en avant sous différents formats via le mécanisme des autorités administratives indépendantes et des contre-pouvoirs. Cette volonté de construire un régime qui répond aux aspirations du peuple a permis de créer une juridiction constitutionnelle empreinte d’une originalité et reconnue aujourd’hui pour ses positions tranchées en vue d’apporter des réponses aux questions de société pour la stabilité et la cohésion nationale. Un travail qui contribue à renforcer la démocratie par son rôle régulateur de la vie des institutions et dans le respect des droits de citoyens.
Démocratie au Ghana
Le Ghana est une ancienne colonie britannique devenue une curiosité anglophone en termes de performance démocratique et de stabilité politique dans la sous-région et logé entre des pays francophones en perpétuelle quête de modèle politique. S’il est généralement constaté une stabilité des institutions politiques de même qu’une démocratie en processus de consolidation des acquis depuis une trentaine d'années avec des mécanismes de contrôle du pouvoir, le mérite est constamment attribué à l’ancien Président John Jerry Rawlings pour ses grandes ambitions et initiatives démocratiques des années 1990. Effectivement, le référendum constitutionnel qu’il initie en cette période a permis au Ghana d’être aujourd’hui une référence et un modèle dans la sous-région ouest-africaine. Cette nouvelle constitution adoptée en 1992 garantit le pluralisme politique, le respect des libertés individuelles, sans oublier l’indépendance du système judiciaire. Depuis les années 2000, on pourrait bien noter des alternances pacifiques au pouvoir entre les deux grands partis politiques : le National Democratic Congress (NDC) et le New Patriotic Party (NPP). Des éléments qui permettent de référencer le Ghana comme une exception démocratique dans la sous-région. Ces deux partis ont développé une culture démocratique sur la base des programmes politiques bien affinés autour desquels rythme la vie politique du pays. Dans les démocraties totalitaires, il est généralement remarqué le manque d’engagement citoyen dans la gestion des affaires de l’Etat. A titre d'exemple, une faible participation des populations au processus électoral est constatée à cet effet. En revanche au Ghana, les données font état d'une augmentation sans cesse de la participation aux échéances depuis 2006 (45%) au point d’avoisiner avec les élections de 2020 un taux de 70% de participation d’après les données de Perspectives Monde.
Sur le plan des contre-pouvoirs, le bon fonctionnement des organes de régulation des institutions politiques est très souvent soulevé. En effet, la justice ghanéenne a le mérite d’être le porte-étendard des performances démocratiques au Ghana dans plusieurs circonstances. A titre d’illustration, dans le cadre des contentieux pré et post-électoraux qui ont vu naître des contestations principalement lors des échéances électorales de 2016, c’est grâce aux mécanismes juridictionnels indépendants établis que les contentieux ont été résolus garantissant la stabilité des institutions démocratiques de l’Etat. « Le pouvoir judiciaire a ainsi "facilité le processus continu" de succession dans le processus de démocratisation du Ghana ».
Perspective critique
Bien que les études de cas présentées mettent en lumière les réussites et les forces des systèmes démocratiques des pays sélectionnés, une perspective critique révèle également des défis importants qui entravent parfois la qualité démocratique. Parmi ces défis, on peut notamment citer les questions persistantes liées à la corruption, à l'inefficacité des institutions, à l'accès inégal aux ressources et aux opportunités, ainsi qu'aux inégalités socio-économiques. Par exemple, bien que l'Ile Maurice soit reconnue pour son système démocratique robuste, des critiques ont été formulées concernant la concentration de pouvoir entre les mains d'une élite politique et économique restreinte, ce qui pourrait compromettre la représentativité et l'équité dans le processus décisionnel. De même, malgré les progrès réalisés en matière de liberté de la presse et de respect des droits fondamentaux au Cap-Vert, des préoccupations persistent quant à la capacité des institutions à faire face aux défis émergents tels que les changements climatiques, les migrations et l'évolution des dynamiques économiques mondiales. En Afrique du Sud, il est vrai que la transition démocratique postapartheid ait été saluée comme une réussite. Cependant, des questions subsistent quant à la persistance des inégalités raciales et socio-économiques, ainsi qu'à la capacité du gouvernement à répondre efficacement aux attentes des citoyens en matière de services publics de base et de développement économique inclusif. La corruption endémique qualifiée de « State Capture » est aussi révélée dans plusieurs dossiers impliquant des acteurs étatiques influents au sommet de l’Etat Sud-africain compromettant la gouvernance responsable des politiques publiques. Enfin, c’est une évidence que le Ghana soit souvent considéré comme un modèle démocratique en Afrique de l'Ouest. Néanmoins, des préoccupations subsistent concernant surtout la viabilité à long terme du système multipartite dans un contexte de polarisation politique croissante et de conflits ethniques potentiels. La problématique de la corruption galopante est aussi fréquemment soulevée et fait l’objet des préoccupations des observateurs avisés. Ces perspectives critiques soulignent l'importance de ne pas sous-estimer les défis complexes auxquels sont confrontés les systèmes démocratiques des pays africains, tout en reconnaissant leurs réalisations et leurs progrès.
Recommandations
A l’issue de ce diagnostic en profondeur des facteurs accentuant l’hyper-présidentialisme dans bon nombre de pays du continent, ainsi que de leurs impacts différenciés sur les processus de démocratisation encore en cours en Afrique, il serait intéressant de formuler les recommandations réalistes ci-après, pour conjurer les dérives autoritaires corollaires de la confiscation de l’essentiel des pouvoirs de gouvernement entre les mains du chef de l’Etat.
- Consacrer, dans les constitutions des Etats africains, le principe de la limitation des mandats quinquennaux à deux, avec une clause d’intangibilité. C’est ce procédé, consacré à l’issue de la révision constitutionnelle de 2016, qui a permis au Sénégal d’éviter le prolongement d’une crise pré-électorale sans précédent, en empêchant au président Macky Sall d’abord, de chercher à briguer un troisième mandat, ensuite de vouloir prolonger son mandat au-delà de la durée légale de son second et dernier quinquennat, le 02 avril 2024.
- Travailler à mettre en place des institutions fortes, surtout celles impliquées dans les processus de dévolution des pouvoirs afin de garantir l’expression de la volonté populaire et de corseter les velléités manipulatrices d’un pouvoir exécutif fort (une démocratisation de l'accès et la sortie du pouvoir, la confiance investie à l'administration électorale et une justice électorale qui s’affirme).
- Inculquer et renforcer le sens de responsabilité et de leadership aux hommes politiques et au sein de la société civile. Pour ce faire, il est important que la culture démocratique soit diffusée au sein de toutes les couches de la population. Cette initiative pourrait être portée par les autorités étatiques en charge de l’éducation mais aussi par les organisations de la société civile à travers des formations de renforcement de capacité des acteurs politiques mais aussi des citoyens. Ce travail est important pour la restauration des qualités de leadership et aiderait les citoyens d’aujourd’hui, des hommes politiques de demain, à plus de bon sens dans la gestion et la gouvernance de la chose publique.
- Renforcer les institutions démocratiques, notamment le Parlement et le pouvoir judiciaire, pour garantir un véritable équilibre des pouvoirs. Cela pourrait passer par des réformes constitutionnelles visant à accroître l'indépendance de ces institutions, à limiter les prérogatives présidentielles et à renforcer les mécanismes de reddition de comptes.
- Promouvoir la participation citoyenne à la vie politique afin de contrer l'hyper-présidentialisme. Cela pourrait être réalisé par le biais de campagnes de sensibilisation, de programmes d'éducation civique et de renforcement des organisations de la société civile, garantissant ainsi une plus grande diversité d'opinions et un contrepoids au pouvoir présidentiel.
- Renforcer le rôle et la transparence des organisations régionales africaines, telles que l'Union africaine et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dans la promotion et le maintien des normes démocratiques en Afrique. Dans ce sens, il faut encourager la ratification par tous les Etats membres de la CEDEAO du Protocole Additionnel sur la bonne gouvernance et la démocratie tout en facilitant son application dans les Etats membres.
Conclusion
En définitive, l’étude a démontré l’importance d’examiner en profondeur l’impact de l’hyper-présidentialisme sur la démocratie. Elle a en outre permis d’explorer les moyens de renforcer la séparation des pouvoirs comme réponse à ce phénomène. Cette recherche était devenue un impératif au regard des différents constats faits dans les pays africains qui sont confrontés à cette déviance du constitutionnalisme. Ainsi, les caractéristiques communes aux régimes hyper-présidentialistes en Afrique soulignent les défis persistants auxquels sont confrontés les processus démocratiques sur le continent, mettant en lumière la nécessité d'une vigilance constante et d'un engagement continu en faveur de la bonne gouvernance, de l'état de droit et des droits humains.
Nous sommes d’avis avec le Président Obama qu’en ce 21ème siècle, « des institutions capables, fiables et transparentes sont la clé du succès ». Plus particulièrement, dans les systèmes politiques africains, des parlements puissants et des forces de police honnêtes et républicaines, des juges et des journalistes indépendants, un secteur privé et une société civile florissants, ainsi qu’une presse indépendante constituent les éléments qui devraient (re)donner vie à la démocratie et à l’Etat de droit, parce qu’en réalité c’est ce qui compte dans la vie quotidienne des populations. Pour y arriver, il semble plus qu’urgent que les élites dirigeantes africaines assument une véritable « révolution culturelle » pour changer de logiciel de gouvernance. La démocratie et l’Etat de droit ne font pas bon ménage avec le prétorianisme, l’hyper-présidentialisme, le clientélisme, le patrimonialisme et la négation systématique du pluralisme sous toutes ses formes.
On le sait. La prépondérance du président n’est pas sans conséquence sur l’équilibre des pouvoirs. Elle entraîne inexorablement une dictature personnelle qui s’appuie sur le règne de l’arbitraire. Ce projet politique monopolistique pèse lourdement sur tous les autres pouvoirs et tend naturellement à la « paternalisation » des rapports institutionnels. Les crises deviennent dès lors consubstantielles au système présidentialiste. Il est source de multiplication des formes de séparatisme, notamment en Casamance, au Sénégal, ou au Cameroun. En Afrique, la refondation des institutions de l’Etat, dans le but de les réconcilier avec les citoyens, passe nécessairement par une rupture avec le modèle colonial, bien tropicalisé, de l'hyper-présidentialisme.
Références bibliographiques
- AFRIKAJOM CENTER, Actes du colloque régional sur le thème : Repenser l’Etat de droit et les transitions démocratiques en Afrique : crise de l’Etat de droit, de la démocratie, du suffrage universel et de la sécurité, Dakar, du 08 au 10 mars 2023
- BASSIOUNI Cherif, « Vers une déclaration universelle sur les principes fondamentaux de la démocratie : des principes à la réalisation » in La Démocratie, Principes et réalisations, Genève, 1998.
- BLANC Didier, Le cinquantième anniversaire de la Constitution de l’île Maurice : le syncrétisme constitutionnel d’une jeune République, PUT., p. 4 et s.
- DAMON Julien, « Classements et déclassements de la démocratie dans le Monde », Constructif 2022/1 (N° 61), p. 18 à 24
- DARGA Louis Amédée, “Mauritians’ assessment of election quality took a hit in 2019”, Afrobarometer Dispatch, No. 453, 2021
- FALL Ismaila Madior, « La construction des régimes politiques en Afrique : insuccès et succès », https://afrilex.u-bordeaux.fr/2014/01/23/la-construction-des-regimes-politiques-en-afrique-insucces-et-succes/
- FALL Ismaïla Madior, « Cap-Vert “ in Organes de gestion des élections en Afrique de l’ouest Une étude comparative de la contribution des commissions électorales au renforcement de la démocratie, Open Society, 2011
- FALL Ismaïla Madior, « Les institutions constitutionnelles et politiques du Sénégal », in Fondation Friedrich Ebert, Le système politique au Sénégal, Dakar, 2012
- GAUDIAUT Tristan, « Un état des lieux de la démocratie dans le monde », 2024, https://fr.statista.com/infographie/25769/carte-indice-de-democratie-dans-le-monde/
- KAMTO Maurice, Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les États d’Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987
- MBOUENDEU J. de Dieu, « La brève et malheureuse expérience du régime parlementaire par les Etats africains », in RJPIC, octobre-décembre 1979
- MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, 1748, Livre XI, chap. IV
- NKANSAH Lydia A., “electoral justice under Ghana’s fourth republic” in Ghana at 60, p. 34 et s.
- PACTET P. et MELIN-SOUCRAMANIEN F., Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2011
- Perspective Monde, The Economist, consulté le 27 février 2024. https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=GHA&codeTheme=9&codeTheme2=1&codeStat=EIU.DEMO.PARTIC&codeStat2=x
- PHILIPPE Xavier, « La démocratie constitutionnelle sud-africaine : un modèle ? » Pouvoirs, 2009/2 (n° 129), p. 166 et suiv.
- Rapport de The Economist Intelligence Unit, 2023
- RAULIN Arnaud de, « Le culte des chefs et la démocratie en Afrique », Revue juridique et politique. Indépendance et coopération, n° 56, 2002
- SENGHOR L.-S., La poésie de l'action, Paris, Stock, 1980
- SOW Pape Touty M., « Hyper-présidentialisme : rompre avec l’héritage colonial », https://www.seneplus.com/opinions/hyperpresidentialisme-rompre-avec-lheritage-colonial, consulté le 28 février 2024.
- FELDMAN Jean-Philippe, « La séparation des pouvoirs et le constitutionnalisme. Mythes et réalités d'une doctrine et de ses critiques », Revue française de droit constitutionnel, 2010/3 (n° 83), pages 483 à 496, ed. Presse Universitaire de France
- https://revue-pouvoirs.fr/143-la-separation-des-pouvoirs-331/
Annexe : Tableau de cartographie des régimes politiques hyper-présidentialistes en Afrique
Pays | Nature du régime | Caractéristique du régime | Caractérisation du déséquilibre des pouvoirs et son impact sur la qualité du système politique | Sources |
Algérie | Semi-présidentiel | Concentration des pouvoirs entre les mains du président, y compris la nomination du Premier ministre et la dissolution du Parlement. Faible contrôle du Parlement sur l'exécutif. Système de partis dominé par le parti au pouvoir. Limites à la liberté d'expression et de réunion. | La concentration des pouvoirs entre les mains du président limite la séparation des pouvoirs et affaiblit le contrôle démocratique, conduisant à des restrictions des libertés et à un manque de responsabilité gouvernementale. Comme le soulignait Maître Badi, « le projet maintient le système hyper-présidentiel qui a bloqué le pays sous Abdelaziz Bouteflika alors que Tebboune avait promis de le démanteler lors de son discours d’investiture ». « Il ne prévoit pas d’attribuer un droit constituant aux représentants du peuple, poursuit-il. Seul le président peut engager une révision de la constitution, le premier ministre n’est pas obligatoirement nommé au sein du parti ou de l’alliance qui remporte les législatives, le président continue de diriger le conseil supérieur de la magistrature et rend illusoire l’indépendance de la justice revendiquée depuis le 22 février 2019 par le Hirak » | Constitution (Articles 91.5, 151) |
Angola | Présidentiel | Le président est à la fois chef de l'État et chef du gouvernement. Il y a un contrôle important du pouvoir exécutif sur les autres branches du gouvernement. Il peut prendre des décrets législatifs présidentiels provisoires. Il y a aussi un système de parti dominant avec le MPLA au pouvoir depuis 1975. Restrictions sur les libertés civiles et politiques. | Le président exerce un contrôle étroit sur toutes les branches du gouvernement, ce qui limite la séparation des pouvoirs et favorise l'autoritarisme. Les restrictions des libertés civiles et politiques entravent le développement démocratique et sapent la qualité du système politique. | Constitution |
Bénin | Présidentiel | Dirigé par Patrice Talon depuis 2016, le pays troque depuis 2019 son manteau démocratique et sa réputation positive pour laisser place à des dérives autoritaires. | Le président est à la fois chef de l'État et chef du gouvernement. Le pouvoir exécutif est aux mains du gouvernement tandis que le pouvoir législatif est partagé entre le gouvernement et le parlement. - Espace d’expression politique et espace civique rétrécis - alignement des institutions sur le pouvoir exécutif. - inexistence du contre pouvoir | Loi N° 2019-40 du 07 Novembre 2019 portant révision de la loi numéro 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin. |
Cameroun | Présidentiel | Longue présidence de Paul Biya (depuis 1982) avec concentration des pouvoirs. La constitution confère de larges pouvoirs au président qui peut dissoudre l’Assemblée Nationale. Selon la loi 2008/001 du 14 Avril 2008 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi numéro 96/06 du 18 Janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972, « le Président de la République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible. » (Art.6). Il n’y a donc pas une limitation claire du mandat. On note aussi une faible indépendance du pouvoir judiciaire et la répression des voix dissidentes et restrictions des libertés. | La concentration des pouvoirs entre les mains du président, combinée à un faible contrôle judiciaire et à des répressions des voix dissidentes, crée un environnement autoritaire qui limite la démocratie et les droits fondamentaux, affaiblissant ainsi la qualité du système politique. Comme le souligne Ngono, Louis Martin, la solide longévité du système politique camerounais est « fondée sur la reprise d'une partie de L'héritage du parti unique à laquelle se sont ajoutées une pratique d'hyper présidentialisme et l‘absence d'implication des jeunes générations. Pour préserver le système, il a fallu également brider toute velléité d'autonomie à travers l‘opération 'Épervier'. Dorénavant le président peut briguer et, à coup sûr, obtenir un mandat supplémentaire. Pour soustraire le Cameroun à une telle éventualité, il faut envisager de mettre sur pied de nouveaux instruments de démocratisation, y compris ceux qui sont prévus par la Constitution du 18 janvier 1996. » | Constitution (Article 8. (12) ) |
Centrafrique | Présidentiel | Contexte de conflit et d'instabilité politique. Pouvoir présidentiel renforcé par la Constitution du 30 mars 2016 avec la possibilité de dissoudre l’Assemblée Nationale. Faible capacité des institutions étatiques. Violations des droits humains et impunité. | Le contexte sécuritaire et le renforcement du pouvoir présidentiel contribuent à un déséquilibre des pouvoirs et à une faible capacité des institutions, entraînant des violations des droits humains et une absence de responsabilité gouvernementale, nuisant ainsi à la qualité du système politique. | Constitution (Article 46) |
Congo-Brazzaville | Semi-présidentiel. | Domination du président Denis Sassou Nguesso depuis le 15 octobre 1997. La constitution de 2015 même si elle équilibre les pouvoirs prévoit des conditions de dissolution de l’Assemblée Nationale par le Président de la République. Contrôle du Parlement par le parti au pouvoir. Restrictions des libertés et violations des droits humains. | La domination prolongée du président, combinée à des pouvoirs renforcés par la constitution et au contrôle du Parlement par le parti au pouvoir, limite la démocratie et favorise les violations des droits humains, affaiblissant ainsi la qualité du système politique. Comme le rapporte Ngodi Etanislas, « … La déconfiture des partis de l’opposition semble se confirmer avec les querelles de leadership pour l’accès à des positions de pouvoir qui procurent des avantages financiers et matériels (Mediapart, 2015 ; Caslin, 2022). Cette division a souvent été entretenue par le parti au pouvoir avec ses différentes stratégies d’engloutissement des formations politiques en compétition pour la conquête du pouvoir (Amnesty International, 2020)…Les résultats de la récente enquête d’Afrobarometer montrent que les Congolais dans leur grande majorité préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernement, rejettent les alternatives autocratiques, sont attachés au multipartisme mais font peu confiance aux partis politiques. Les citoyens congolais affirment quand même qu’il est préférable pour le pays d’avoir des partis politiques d’opposition, même s’ils sont faibles, que de ne pas du tout en avoir. Ils pensent que l’opposition politique est importante pour la démocratie et présente une vision alternative pour le pays. La majorité des répondants estiment que l’arrestation des leaders politiques de l’opposition et la restriction de l’espace civique écornent l’image du Congo. » | Constitution (Article 165) |
Côte d’Ivoire | Présidentiel | Dirigé par Alassane Ouattara depuis le 6 mai 2011. Pouvoirs de nomination d’au moins un tiers des membres du sénat, des membres aux fonctions civiles et militaires et à la tête des principales institutions comme le Conseil constitutionnel, la Cour suprême et la Cour des comptes, etc. | Le pouvoir exécutif est aux mains du gouvernement tandis que le pouvoir législatif est détenu par le parlement Manque d’indépendance du Conseil Constitutionnel: Le président de la République choisit seul, le président du Conseil constitutionnel ainsi que trois des six conseillers de cette institution Affaiblissement de l’Assemblée nationale face à l’instauration d’une vice-présidence | Loi n° 2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution de la république de Côte d’Ivoire, telle que modifiée par la Loi constitutionnelle n°2020-348 du 19 mars 2020 |
Djibouti | Présidentiel | Système politique dominé par le président Ismaïl Omar Guelleh depuis le 08 mai 1999. Il nomme le premier ministre, le Président du Conseil Constitutionnel. Absence de réelle opposition politique. Contrôle des médias et restrictions des libertés. | La domination prolongée du président et le contrôle des médias contribuent à une absence d'opposition politique et à des restrictions des libertés, ce qui nuit à la démocratie et à la qualité du système politique en limitant la pluralité et la participation citoyenne. | Constitution de Djibouti
|
Égypte | Semi-présidentiel | Renforcement du pouvoir présidentiel après le coup d'État de 2013. Abdel Fattah al-Sissi cumule les fonctions de président et de chef des forces armées. Limites à la liberté d'expression et de réunion. Répression des opposants politiques. | Le renforcement du pouvoir présidentiel et la répression des opposants politiques limitent la démocratie et les libertés civiles, sapant ainsi la qualité du système politique en Égypte en créant un environnement autoritaire et en restreignant la participation politique. Nathalie Bernard-Maugiron rapporte « Alors qu’Abdel Fattah Al-Sissi, qui occupe la fonction présidentielle en Égypte depuis juin 2014, a souligné à de nombreuses reprises la nécessité d’un équilibre entre stabilité du pays et protection des libertés publiques, la balance semble désormais pencher résolument du côté de la sécurité intérieure au détriment des droits fondamentaux. La répression, après avoir été dirigée contre les Frères musulmans et les jeunes révolutionnaires, s’étend à toute forme d’opposition et de critique. » | Constitution Egyptienne |
Érythrée | Régime présidentiel | L'Érythrée est un système politique à parti unique dirigé par le président Issayas Afeworki depuis 1993. Le président détient des pouvoirs étendus, et le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ) est le seul parti légal, détenant tout le pouvoir. L'État exerce un contrôle total sur l'économie et la société, imposant des restrictions draconiennes des libertés et un service militaire obligatoire de durée indéterminée. | Le contrôle total de l'État et l'absence de pluralisme politique et de libertés fondamentales, combinés à un service militaire obligatoire, sapent la qualité du système politique en Érythrée en limitant la participation citoyenne et en renforçant l'autoritarisme du régime. « En juin 2015, au terme d'une année complète d'enquête, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme fait état de violations systématiques des libertés fondamentales, commises par le pouvoir en place. » | Constitution Erythrée |
Gabon | Semi-présidentiel Régime de transition | Domination du clan Bongo sur la vie politique depuis 1967. Ali Bongo Ondimba au pouvoir depuis 2009 a été évincé en 2023 suite à un coup d’Etat du Général Brice Clotaire Oligui Nguema. Faible pluralisme politique. Contrôle des médias et restrictions des libertés. Un dialogue national inclusif a débuté le 2 avril 2024, permettant de recueillir les aspirations du peuple gabonais concernant les réformes institutionnelles et constitutionnelles nécessaires pour le pays. Le 30 avril, le rapport final de ce dialogue a été transmis au Président de la Transition. Le 8 mai, un comité constitutionnel a été chargé de rédiger un nouveau texte constitutionnel. Selon une interview récente du Premier minister Raymond Ndong Sima, les Gabonais seront invités à participer à un référendum constitutionnel en fin de décembre 2024. | La domination prolongée d'une famille politique, associée à un faible pluralisme politique et à des restrictions des libertés, limite la démocratie et affaiblit la qualité du système politique en favorisant les pratiques autoritaires et en restreignant la participation citoyenne. Selon la Charte de la transition, le vice-président de la transition, ainsi que les membres du gouvernement de la transition ne sont pas éligibles à l’élection présidentielle qui marquera la fin de la transition. Curieusement, la Charte reste muette sur l’éligibilité du Président de la transition. Tous les membres des institutions de la transition sont nommés par le Président de la transition. | Charte de la transition |
Guinée | Régime présidentiel Régime dirigé par les militaires | Alpha Condé a été président de 2010 à 2021, marqué par des réformes constitutionnelles controversées et des violations des droits humains. Il a été renversé par le colonel Mamadi Doumbouya, suite à un coup d'État intervenu le 5 septembre 2021. Il a ensuite été investi président de la transition le 1er octobre 2021. ll a promis de remettre le pouvoir à un président civil élu démocratiquement après une période de transition de 39 mois, mais il existe des incertitudes sur l'avenir de la démocratie dans ce pays. | Les réformes constitutionnelles controversées et les violations des droits humains, combinées à une transition politique instable, compromettent la démocratie en Guinée et créent des incertitudes quant à l'avenir de la gouvernance. VOA rapporte que « La junte s'est engagée sous la pression internationale à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à partir de janvier 2023. L'opposition l'accuse de dérive autoritaire et parle de "dictature naissante". » | Charte de la transition |
Guinée équatoriale | Présidentiel | Longue présidence de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (depuis 1979). Absence de démocratie et de libertés fondamentales. Pas de limitation des mandats selon l’article 34 de la constitution « Le Président de la République est élu pour une période de sept ans renouvelable » Peut dissoudre le parlement. (Art. 54) Culte de la personnalité du président. Corruption et violations des droits humains. | La présidence prolongée, associée à un manque de démocratie, de libertés fondamentales et à des pratiques autoritaires, entraîne des violations des droits humains et une corruption, affaiblissant ainsi la qualité du système politique en Guinée équatoriale et la légitimité du gouvernement. Amnesty Internationale rapporte le témoignage de Marta Colomer « Depuis plusieurs décennies, la répression exercée par le président Nguema contre les dissidents a des effets dévastateurs et paralysants pour les défenseurs des droits humains, les journalistes et les militants politiques. Ils sont de façon persistante pris pour cible uniquement parce qu’ils exercent leur droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association » | Art.34 et 54 Constitution |
Libye | Régime de transition politique incertaine et fragile | Situation politique instable et fragmentée après la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Deux gouvernements rivaux se disputent le pouvoir. Groupes armés et milices contrôlant une partie du territoire. Violences et violations des droits humains. | L'instabilité politique et la fragmentation du pouvoir en Libye favorisent les violences et les violations des droits humains, sapant ainsi la qualité du système politique en créant un environnement d'insécurité et d'impunité, ce qui entrave la reconstruction et le développement démocratique. Actuellement, « la Constitution provisoire de la Libye, formellement appelée Déclaration constitutionnelle provisoire de la Libye est en vigueur depuis le 3 août 2011. Elle régit l'organisation des pouvoirs publics en Libye jusqu'à l'adoption d'une constitution définitive ». | Déclaration constitutionnelle provisoire de la Libye |
Madagascar | Semi-présidentiel | Histoire politique mouvementée avec des épisodes de crises et de transitions. Andry Rajoelina est président depuis 2019. Risques de dérives autoritaires et de corruption. | Les crises politiques et les risques de dérives autoritaires et de corruption compromettent la démocratie à Madagascar, affaiblissant ainsi la qualité du système politique en limitant la stabilité politique et en favorisant les pratiques non démocratiques. A titre d’exemple, Courrier International rappelle qu’en 2023, « Le président Andry Rajoelina brigue un troisième mandat qui, après les modifications apportées à la Constitution ces dernières années, sera son deuxième mandat consécutif ». | Constitution de la quatrième République |
Mali | Régime présidentiel, régime dirigé par des militaires | Régime dirigé par des militaires. A à sa tête le Colonel Assimi Goïta, président de la Transition depuis le 25 mai 2021. Il a promulgué, par le Décret N°2023-0401/PT-RM du 22 Juillet 2023, la nouvelle Constitution. Celle-ci maintient l’existence d’un Président de la République et d’un Gouvernement. Néanmoins, l’essentiel des pouvoirs est concentré entre les mains du Président de la République: -il détermine la politique de la Nation à la place du Gouvernement (article 44) - il a les pouvoirs de nomination et de révocation du premier ministre et des ministres (article 57), - il peut aussi « ordonner la mobilisation générale » des citoyens afin de défendre la patrie « lorsque la situation sécuritaire l’exige » (article 63) Le mandat présidentiel renouvelable qu’une seule fois (article 45); mais le Président peut prendre des mesures exceptionnelles en cas de menaces des institutions de la République, de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité du territoire national, de l’exécution des engagements internationaux (article 70) | Le déséquilibre des pouvoirs est caractérisé par un contrôle prédominant du Président de la République sur les instances législative et judiciaire: - il a l’initiative des lois au même titre que les parlementaires, - il est le Président du Conseil supérieur de la Magistrature (article 64) - Le gouvernement est responsable devant le président et non devant l’Assemblée Nationale (article 78) - il peut prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale (article 69) après consultation des Présidents des deux (02) chambres et du Président de la Cour constitutionnelle. La Constitution étant récente, les impacts sont difficiles à mesurer actuellement, le système politique malien n’ayant pas encore fait ses preuves. Il semble être apprécié par la majorité du peuple qui l’a adopté avec près de 97% des voix au referendum du 18 juin 2023. Toutefois, l’on peut s’avancer à dire qu’il pourrait augurer une meilleure gouvernance, eu égard à certaines dispositions relatives à la création d’une Cour des comptes chargée du contrôle des finances publiques (article 156); la possibilité offerte au parlement de destituer le président pour haute trahison (article 73) ; la reconnaissance des autorités traditionnelles (une partie des membres du Sénat en sera issue). Comme le souligne le Docteur Abdoul Sogodogo, vice-doyen de la faculté de sciences politiques à Bamako « le recul de l’Etat a fait que les religieux, les autorités coutumières, ont de nouvelles fonctions de distribution de la justice. Quand ces choses se pratiquent et durent dans le temps, il faut penser à une institutionnalisation ». | Constitution |
Mauritanie | Présidentiel | Le premier président démocratiquement élu en Mauritanie a été renversé. En effet, Sidi Ould Cheikh Abdallahi a été arrêté par le chef de sa garde présidentielle. Le coup d'Etat met un terme à un processus qui a été salué comme "un modèle démocratique" pour l'Afrique. Mohamed Ould Ghazouani est président depuis 2019. Système politique dominé par l'armée. Le Président peut dissoudre l’Assemblée Nationale. Faible liberté de la presse et restrictions des libertés. | La domination de l'armée dans le système politique, associée à des restrictions des libertés et à un contrôle étroit du pouvoir, limite la démocratie en Mauritanie et affaiblit la qualité du système politique en sapant la participation citoyenne et en favorisant l'autoritarisme. | Constitution de la République islamique de Mauritanie |
Mozambique | Présidentiel | Filipe Nyusi est président depuis 2015. Le parti au pouvoir, le FRELIMO (le Front de libération du Mozambique) domine la vie politique. Possibilité pour le Chef de l’Etat de dissoudre l’Assemblée Nationale. Faiblesse du Parlement souvent considéré comme une chambre d'enregistrement des décisions du président. Il a peu de pouvoir pour contrôler l'action gouvernementale. | La domination politique d'un parti, combinée à la corruption et aux violations des droits humains, affaiblit la qualité du système politique au Mozambique en sapant la confiance publique et en restreignant la participation démocratique, ce qui entrave le développement et la gouvernance efficace. | Constitution of the Republic of Mozambique |
Namibie | Présidentiel | Nangolo Mbumba est l’actuel Président depuis le 4 février 2024 à la suite de la mort de son prédécesseur Hage Geingob. Concentration des pouvoirs entre les mains du président qui peut dissoudre l’Assemblée Nationale. Contrôle du parti au pouvoir, la SWAPO (Organisation du peuple du Sud-Ouest africain) sur le Parlement. Les partis d’oppositions sont autorisés mais il est généralement admis qu'ils n'ont que peu de chance d’accéder au pouvoir. Risques de dérives autoritaires et de corruption. | La concentration des pouvoirs et le contrôle du parti au pouvoir limitent la séparation des pouvoirs en Namibie, sapant ainsi la qualité du système politique en favorisant les pratiques non démocratiques et en augmentant les risques de corruption et d'abus de pouvoir. | Constitution de la Namibie du 12 mars 1990. |
Niger | Semi présidentiel Régime de transition | Mohamed Bazoum élu en 2021 est renversé par sa garde présidentielle. En son temps, le système politique était dominé par le parti au pouvoir. On notait un faible pluralisme politique. Aussi le régime a fait face à un une lutte contre le terrorisme et des défis sécuritaires importants. Depuis Juillet 2023, le régime en place a suspendu la Constitution et aucune charte de la transition n'est disponible. | La domination politique d'un parti, associée à un faible pluralisme politique et à des défis sécuritaires, affaiblit la qualité du système politique au Niger en limitant la concurrence politique et en concentrant le pouvoir entre les mains du parti au pouvoir, ce qui entrave la démocratie et la stabilité politique. | |
Ouganda | Présidentiel | Yoweri Museveni est président depuis 1986. Amendements constitutionnels controversés en 2018 pour prolonger son mandat. Possibilité pour le Président de dissoudre le parlement. Répression des opposants politiques et restrictions des libertés. | La présidence prolongée, associée à des amendements constitutionnels controversés et à la répression des opposants politiques, limite la démocratie en Ouganda, affaiblissant ainsi la qualité du système politique en favorisant les pratiques autoritaires et en restreignant la participation citoyenne. | Constitution de la République de l’Ouganda |
Rwanda | Présidentiel | Paul Kagame est vice-président et ministre de la Défense de 1994 à 2000 avant d’être élu Président de la République après les élections de 2000. Forte croissance économique et développement sous sa direction. Concentration du pouvoir avec la possibilité de dissoudre la chambre des députés. Limites à la liberté d'expression et de réunion. Contrôle du pouvoir sur les médias. | Malgré la croissance économique, les limites à la liberté d'expression et le contrôle des médias contribuent à maintenir un environnement autoritaire au Rwanda, sapant ainsi la qualité du système politique en limitant la participation citoyenne et la pluralité politique. | Constitution du Rwanda |
Sénégal | Présidentiel | Le pays est gouverné par Macky Sall depuis le 25 mars 2012 hyper concentration du pouvoir autour de la personne du président, qui se donne la latitude d’effectuer des «retouches constitutionnelles». Une quarantaine de ces retouches a été effectuée par les trois présidents qui ont dirigé le pays avant Macky Sall, mais toutes ne sont pas réputées mauvaises : certaines ont « consolidé » la démocratie, d’autres l’ont « déconsolidée ». | Le pouvoir exécutif est aux mains du président tandis que le pouvoir législatif est partagé entre le gouvernement et le parlement. Le pays est frappé par une importante crise politique depuis que le président a annoncé le report de la présidentielle. Le système politique est mis à mal du fait de la crise institutionnelle, «conflits» entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel. Les élections initialement prévues pour le 25 février 2024, sont reportées à une date incertaine et le mandat du président pourrait être allongé. Or, comme l’affirme El Hadji Omar Diop : «Le terme normal du mandat permet de ressourcer la légitimité des autorités titulaires des mandats politiques. Leur limitation en nombre et en durée est l’une des conditions de différenciation entre la démocratie et les autres formes de régimes politiques. Si vous touchez à ce pilier, c’est tout l’édifice qui est fragilisé. On est entré dans l’ère de l’anormalité constitutionnelle. On touche au cœur du modèle démocratique du Sénégal.» Aussi, l’on assiste à des formes accrues d’insubordination politique des citoyens exprimée par des vagues de manifestation d’insoumission citoyenne aux institutions. | Constitution de la République du Sénégal du 22 janvier 2001 |
Soudan du Sud | Présidentiel | Salva Kiir Mayardit est président depuis 2011. Le pays vit une guerre civile et une crise humanitaire depuis 2013. On note la concentration des pouvoirs entre les mains du président et l’absence de démocratie et des libertés fondamentales. | La concentration des pouvoirs et l'absence de démocratie en raison de la guerre civile entravent le développement démocratique au Soudan du Sud, sapant ainsi la qualité du système politique en exacerbant les tensions et les violations des droits humains, ce qui entrave la stabilité et la gouvernance efficace. Selon le Centre d’étude stratégique de l’Afrique « Le président du Soudan du Sud, Salva Kiir, s’est fait une carrière politique en reportant les élections, ce qui lui a permis de rester président de facto depuis 2005, bien qu’il n’ait été autorisé à exercer qu’un seul mandat de quatre ans à la suite du vote d’indépendance du Soudan du Sud en 2011. Depuis lors, il a été prolongé en 2015, 2018, 2020 et 2022. L’annonce par Kiir de la tenue d’élections en 2024 mérite donc d’être soulignée. En revanche, son intention de se porter candidat n’est pas surprenante. Il est le seul président que ce pays de 11 millions d’habitants, le plus jeune d’Afrique, ait jamais connu. » | Constitution de Transition |
Tchad | Présidentiel | Mahamat Idriss Déby Itno est président depuis 2021. Il succède son père Idriss Déby Itno, qui a dirigé le pays pendant 30 ans. Le système politique est dominé par l'armée et tous les aspects de la vie politique et sociale du pays sont contrôlés par le régime au pouvoir. La transition a pris fin avec l’adoption d’une nouvelle Constitution entrée en vigueur le 29 décembre 2023 et l'élection présidentielle du 6 mai 2024, qui a permis d'élire le président Mahamat Deby avec un peu plus de 61% des voix, malgré la contestation des résultats. | La succession dynastique et la domination de l'armée limitent la démocratie au Tchad, affaiblissant ainsi la qualité du système politique en restreignant la liberté de la presse et en favorisant l'autoritarisme, ce qui entrave la participation citoyenne et la responsabilité gouvernementale. « Au lendemain de la mort de son père, le 20 avril 2021, un Conseil militaire de transition dirigé par le général Mahamat Déby est mis en place. La Constitution du 4 mai 2018, révisée le 14 décembre 2020, qui prévoit qu'en cas de vacance du pouvoir, le président du Sénat assure l'intérim pendant 45 à 90 jours, le temps d'élire un nouveau président de la République, est ainsi suspendue ». Après avoir été gouverné sur la base d’une charte de transition conférant au Président de la Transition d’énormes pouvoirs, le pays est désormais doté d’une nouvelle Constitution qui confère l’essentiel des pouvoirs au Président, y compris la possibilité de dissoudre l’Assemblée Nationale. | Charte de Transition du Tchad Constitution du Tchad |
Togo | Présidentiel | Faure Gnassingbé est président depuis 2005 et est à son quatrième mandat. Le pays est marqué par une longue dynastie politique de la famille Gnassingbé. On observe une mainmise du parti au pouvoir sur les institutions notamment le parti Union pour la République (UNIR) au pouvoir qui contrôle l'Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle et la plupart des institutions de l'Etat. Les réformes constitutionnelles intervenues sont controversées et l’opposition est affaiblie par les mesures de violation des droits humains. Le Président peut dissoudre l’Assemblée Nationale. Il est prévu une limitation du mandat présidentiel, mais cette disposition est susceptible de modification par voie référendaire. | La domination prolongée d'une famille politique et les réformes constitutionnelles controversées empêchent une véritable alternance politique dans le pays. De plus, la restriction de l’espace civique et libertés publiques limite les chances d’une véritable démocratie au Togo. Par exemple « En 2021, dans le cadre de l'affaire Pegasus, plus de 300 numéros togolais sont répertoriés dans la base du logiciel espion israélien. L'affaire révèle alors que Faure Gnassingbé, qui n'a pas nié au moment des révélations, s'est servi du logiciel pour faire surveiller des opposants notamment, mais aussi des militants de la société civile et des journalistes, entre autres ». | Constitution de IVe République |
Tunisie | Semi-présidentiel | Démocratie fragile après la révolution de 2011. Risque de retour en arrière autoritaire. Instabilité politique et tensions sociales. Pluralisme politique et liberté d'expression menacés. Le président Saied a promulgué une nouvelle Constitution par décret en juillet 2022. Cette Constitution donne au président de la République des pouvoirs encore plus importants que ceux qu'il avait avant le 25 juillet 2021. Saied a dissous l'ARP en mars 2022. Il a ensuite annoncé qu'il organiserait des élections législatives anticipées en décembre 2022. | Malgré les avancées post-révolution, la fragilité de la démocratie en Tunisie expose le pays au risque d'un retour autoritaire, affaiblissant ainsi la qualité du système politique en compromettant la stabilité politique et en restreignant les libertés civiles, ce qui entrave la participation citoyenne. Comme l’affirme Jeune Afrique « En 2019, les Tunisiens avaient élu l’austère constitutionnaliste pour sa probité, dans l’espoir de tourner la page des islamistes et de leurs dérives. Finalement, profitant de la confusion et des inquiétudes nées de la pandémie de Covid-19 pour imposer une refonte constitutionnelle, Kais Saied est parvenu à concentrer entre ses mains tous les pouvoirs, le gouvernement se contentant de l’assister tandis que l’opposition est muselée. » D’ailleurs, la révision constitutionnelle de 2022 est l’aboutissement d’un processus décidé et mené en solitaire par le Président de la République Kaïs Saïed. Elle a fait l’objet d’une vive critique de la part de la Commission internationale des juristes (CIJ), une organisation internationale militant pour l'État de droit et composée de dizaines de juges et d'avocats. | Constitution de la République tunisienne |
Zimbabwe | Présidentiel | Robert Mugabe (1980-2017) et Emmerson Mnangagwa (depuis 2017) ont dirigé un régime hyper-présidentialiste caractérisé par la restriction des libertés, le contrôle du Parlement et des élections, le contrôle des médias et la société civile soumise à de nombreuses restrictions. Possibilité de dissoudre le parlement. | 'hyper-présidentialisme au Zimbabwe a conduit à une concentration excessive du pouvoir, limitant la démocratie et les libertés civiles, ce qui a entraîné des violations des droits humains, une instabilité politique et un déclin économique, sapant ainsi la qualité du système politique. | Constitution du Zimbabwe |